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Non, la vie ça n'est pas ça…

Dominique Boucher Publié: 29 novembre, 2016 / Modifié: 30 novembre, 2016
Non, la vie ça n'est pas ça…
Une caresse et puis s'en va. Une gifle et puis revient. Une promesse et puis j'ten fiche. Un projet et puis j't'annule. On s'appelle et puis ben non. On se revoie mais non jamais.

Non, ça c'est l'enfer sans décor.

Comme dans une pièce la plus noire. Même pas. Au théâtre, les meurtrissures se jouent et le rideau tombé les comédiens s'en retournent à leur affaire, cette vie de la vie qui continue. Sans trop de bleus. Sans trop de casse. Un jambon beurre arrosé d'une pression, sur le tard, et la vie se rentre à pied ou en taxi.
Tu le vois, lui, qui tord sa douleur, accroché à son pilier comme au filin d'un aérostat qui l'arracherait à sa détresse pour le monter aux nues, il est sur la scène et se donne à fond. Plus il y croit, plus il nous frissonne. Il se libère du plus profond des émotions précieuses, essentielles au rôle. Mais au plus profond encore, il garde le contrôle de lui-même sachant qu'il s'y tient bien au chaud sa raison. Celle de l'homme de la vie. Peut-être un peu ébréchée sur le bord, mais pas de quoi en faire un plat.
Tu le vois, cet autre, s'arrachant les cheveux de son cœur ? Tout à l'heure il partira au bras de sa compagne, et ils partageront la nuit de sourires et de tendresse, jusqu'au petit matin. Il se lèvera un peu tôt, un peu fatigué, mais heureux d'accompagner sa petite à l'école.
La vie sur les planches. Qui s'affiche comme pour du vrai. Qui nous rentre dedans parce que plus vraie que littérature. Elle peut prendre l'eau, la machinerie veille dans la coulisse.

La vie, non Madame, non Monsieur, ne se vit pas comme sur quatre planches. Pas de texte. Sans fin annoncée. Bonne ou mauvaise. La vie, c'est tout dans l'improvisation. Sur le fil, sans filet. Des directs plein la gueule. Des coups pieds au cul qui ne se perdent pas. Te mettent au tapis. Et là, pas de rideau pour te relever avant de saluer. La vie, c'est ce type la gueule enfarinée et au nez rouge, qui te regarde droit dans les yeux pour te dire que ça va chauffer, comme dans une tranchée. Les éclats volent partout. Te tombent dessus ou juste à tes pieds. Chance ou parce que tu es assez lucide pour les éviter. Quelques écorchures, rien de grave. Mais à peine tu regardes passer l'hirondelle dans le ciel que le gros morceau de l'acier te cueille au ventre. Alors là tu dégustes. Alors là il te faut être un homme, un vrai de dur. Ou tu crèves. À petit feu. À petites doses de souffrance qui te gangrènent le cœur. Et pas d'amputation possible.
Ce type, c'est ce putain de bon dieu, de metteur en scène qui te laisse te débrouiller tout seul. Il t'a donné le rôle, parce qu'il fallait bien que ça tombe sur quelqu'un. Ou parce que tu as la gueule de l'emploi. Démène-toi avec ça !

À en baver, que ne m'a-t-il fait Don Quichotte, combattre le mal et protéger les opprimés ? J'aurais, j'en fais serment, mis à terre les derricks et les remparts aux frontières. J'aurais de ma lance crever les bulles avant qu'elles ne fussent financières et jeter à bas les extrémités de tous les bords. J'aurais brisé l'envoûtement de ma Dulcinée à qui j'aurais juré amour et fidélité. Terrassé, peut-être, mais après mille coups au mal. Que ne m'a-t-il fait Cyrano de Bergerac, ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul ? Le nez bien laid, peut-être, mais j'aurais su là la raison de ma Roxane à me préférer un bellâtre. Elle m'aurait donné son cœur par la procuration de mes mots. Et j'aurais su, à mon dernier soupir, qu'elle m'eût aimé.

À en baver, il m'a fait quidam, auquel on ne prête ni nom ni passion. Je suis sans scène, pour briller ma vie, sans rideau, pour relever ma mort. Je suis le roi des balcons clos. Le chevalier de toutes les peurs et de tous les reproches. Je suis la vie que l'on chapitre à grands coups d'indifférence et de silence. Je suis si peu que l'on ne me caresse pas, que l'on me gifle, me dépromet, me déprojette, n'appelle pas, ne revoit pas.

Voilà, Madame, Monsieur, la vie hors planches ou théâtre de rue. Pas de décor, ni trompe l'œil, ni accessoires. Pas de répétition, ni souffleur, ni partenaire. Du brut, du brutal, de l'abrupte, du banal, du fatal. On ne mérite en retour que ce que l'on renvoie de soi. Et ne récolte faute de s'aimer, pour ne pas l'être. Parce que c'est cela la vie : aimer et l'être. Lorsque deux cœurs battent l'un pour l'autre, il n'y a plus ni bonheur ni malheur, ni misère ni bien-être. Il y a la vie. Comme les comédiens au public. Et réciproquement. Échange de sensations, d'émotions. Le second porte au dépassement les premiers par l'écoute, le regard, l'attention. Si ceux-ci se donnent à celui-là. La vie. Pour être deux.

Mais pas n'importe quels deux… Qu'aurait eu Roméo à faire d'une Yseult et Jennifer d'un Pierre-Paul-Jacques ? J'aime ma Belle parce qu'elle est Elle. Elle ne m'aime pas parce que je suis moi. Voilà où elle est garce, la vie ! Elle te refuse de n'être pas ce que tu es. Sur la scène, les comédiens sont aux sentiments de la pièce. Ils embrassent, ils étreignent, ils aiment parce que c'est écrit. L'un repousse ou déchire l'autre parce que c'est écrit. Peu importe que Juliette aime Oliver ou Roméo soit fou de Jennifer. Rideau tombé, on se bise et chacun rentre se la faire douce, la nuit. La vie.

Oui, la vie ça doit être ça… Une caresse et puis une autre. Une gifle et puis le regret. Une promesse et puis on tient. Un projet et puis on fait. On s'appelle et puis on se rappelle. On se revoie chaque jour un peu plus. On se confiture au miel le croissant du petit-déjeuner. On se fleurit le jour de sourires. On s'anicroche bien un brin mais pour de bonnes raisons, des raisons qui font qu'on se très proche aussitôt après. On se tendre la main le long du canal. On se pense quand l'autre est un peu loin. On se bâtit la vie à quatre mains, à deux êtres, à une histoire. À deux épaules. De quatre riens. Qui font tout. À deux. On s'invente. La vie. On se secret l'un dans l'autre. On se bêche ensemble le carré de printemps pour que les étés soleillent. On se ramasse ensemble les équinoxes de l'automne pour que les hivers se couettent. On se restaurant, se vélotent au vent et on se théâtre au gré, des deux. On se regardent si près qu'on touche l'âme de l'autre. On se respire si fort que le cœur de l'un bat dans la poitrine de l'autre. On se lit mais le désir empêche le sommeil. Alors on se rentre les mains dans les cheveux de l'autre, tu me donnes tes lèvres, je te donne ma peau, on se corps à corps d'un bonheur infini.
Jour après jour, nuit après nuit.

Oui, ça c'est la vie avec décor.

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